J'ai le droit?
Il y a des jours où je me déteste.
Où je déteste cette partie de moi-même tellement petite, terre-à-terre, “raisonnable”. Cette partie qui, quoi qu’il arrive, finit toujours par prendre le dessus, par étouffer mes rêves, mes espoirs, en leur opposant tous les arguments de la raison, jusqu’à ce que je lâche prise, jusqu’à ce que je dise “ OK, t’as gagné, je me rends, t'as raison, y’a aucune chance, c’était qu’un rêve à la con, une illusion, un moment d'égarement ”.
Je ne sais pas comment dire ce que je ressens.
Si je peux… si je veux… si j’ai le droit… Si c’est utile. Si ça a un sens. Ou si finalement ça ne fera qu'empirer les choses. Pour rien. Si c'est le cas, je m'en excuse. J'ai besoin de dire. Je suis perdu.
Ces sentiments... Je ne comprends pas, je ne maîtrise pas, c’est comme ça. Je pense à elle. J’ai envie de la voir. Envie qu’elle me parle d’elle, envie de l’écouter, pendant des heures, des jours, des nuits. Envie de la voir sourire. Envie d’être proche d’elle. Envie de voir ses yeux.
Je la connais si peu et pourtant... j’aimerais...
Je sais, c'est un rêve, rien qu’un rêve. Mais si ce rêve pouvait...
Mais Monsieur Raisonnable veille.
Agrippe mon petit nuage pour me faire redescendre sur Terre.
Et entreprend de me ramener à la réalité.
Qu’est-ce que tu crois ? Qu’est-ce que tu espères ? Quelles chances crois-tu avoir ? Sais-tu même ce que tu veux ? Crois-tu pouvoir lui apporter quelque chose ? Crois-tu pouvoir aider à son bonheur ? Que crois-tu pouvoir lui donner qu’elle n’a pas déjà ? Crois-tu qu’elle a besoin de toi ? Y’a des milliers de mecs plus intéressants que toi... T’es bon qu’à décevoir les gens, jamais à la hauteur.
Et puis, c’est facile de rêver, la réalité c’est autre chose, mon ami. Y'a un obstacle de taille. Est-ce que tu réalises où tu es, et où elle est ? Pratiquement, tu vois ça comment ? T’as pensé à ça ? Et personnellement, tu vois ça comment ? T’as pas l’impression d’être dans une impasse, là ? Tu vois pas que tu rêves à des choses impossibles ? Est-ce que ça vaut la peine de te torturer pour quelque chose qui n’a aucune chance de se passer comme tu le souhaiterais ? Ca te mène à quoi tout ça ? Tu délires complètement mon vieux. Cesse d’idéaliser un rêve, et reprends tes esprits, espèce de crétin de romantique à la manque...
Monsieur Raisonnable a toujours raison. Monsieur Raisonnable a toujours les arguments qui font mouche. Monsieur Raisonnable arrive toujours à me faire perdre ma confiance en moi. Monsieur Raisonnable arrive toujours à me faire douter, à me faire peur.
Mais il y a des jours où j’ai envie de l’envoyer se faire foutre, Monsieur Raisonnable.
Oui, Monsieur le con, je sais que j’ai des sentiments trop forts, trop intenses, que je m’emporte, que je m’emballe, au-delà de ce que je devrais, que je m’attache et qu’après je crève de trouille de voir partir les gens, de les perdre, ou qu’ils ne m’aiment pas. Et alors ? C’est moi, je suis comme ça ! J’ai essayé pendant des années de réprimer tout ça, par peur de souffrir, j’ai cru que c’était mieux de ne rien ressentir, de barricader la porte, de ne laisser entrer personne. De ne pas s’attacher, de n’aimer les gens qu’en surface, de ne faire confiance qu’à soi-même. Et regarde où j’en suis ! L'impression d'être affectivement mort, socialement inapte. C'était ça la solution? Bravo et merci, Monsieur le con.
J’ai le droit d’aimer, bordel, et j’ai le droit de le dire. Et si t’es pas content, casse-toi. Non, je vais pas te faire plaisir, croire que je peux tout avoir, croire à l’impossible, et me ramasser comme un guignol et après aller pleurer dans mon coin que personne ne m'aime. D'une part, j’ai le droit d’aimer les gens, sans conditions, sans rien attendre en retour, sans avoir peur d'en souffrir, sans croire que je dois prouver quelque chose, j'ai le droit de les aimer juste parce que je les trouve sympathiques, juste parce que je me sens bien en leur compagnie, parce que j’aime échanger avec eux une parole, un sourire, un encouragement, un fou rire, ou discuter pendant des heures de tout et de rien.
Et puis... j’ai le droit de l’aimer, elle. J’ai le droit de penser à elle, même si je la connais trop peu, j'ai le droit de penser que c'est quelqu'un de bien, j’ai le droit d’avoir envie de mieux la connaître, j’ai le droit de l'imaginer là, quelque part, même si elle est tellement loin que ça me fout le cafard, j'ai le droit de me dire que parfois elle aussi pense à moi, j’ai le droit de lui écrire qu’elle me manque, j’ai le droit d'espérer qu’elle ne va pas disparaître de ma vie du jour au lendemain, qu’un jour pas si lointain on se retrouvera l’un en face de l’autre, que son sourire et ses yeux seront les mêmes que dans mes rêves, et qu'on aura des choses à se dire, et que ce sera bien.
Et ça, tu vois, quoi que tu en dises, ça n’a rien d’impossible.
Et déjà ça suffit à me rendre un peu plus heureux.
Ecrit par Absurdus, le Jeudi 06 Février 2003.
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